mardi 23 juin 2009

Conférence ODALISQUES



Françoise DEVERRE



Daniela MONTECINOS



Marie-Christine SCHRIJEN



Francesca CARUANA



Texte de la Conférence ODALISQUES par Christian Skimao

A propos de l’exposition Lorsque les odalisques sont grandes, devenues
Château d’Aubais le 20 juin 2009

Préambule


Pour la saison d’été, dans le cadre des « Quatre saisons de l’art » à Aubais, se tient une exposition avec quatre artistes (Francesca Caruana, Françoise Deverre, Daniela Montecinos, Marie Christine Schrijen) au titre quelque peu énigmatique : Lorsque les odalisques sont grandes, devenues. En tant que commissaire d’exposition, j’aimerais apporter quelques précisions sur l’intitulé qui privilégie une narration poétique mallarméenne avec une forte référence picturale à La Grande Odalisque d’Ingres de 1814, reprise par Martial Raysse en 1964. La peinture se réfère à la peinture, ainsi fonctionnent les « erreurs » anatomiques voulues par Ingres, allant de la colonne vertébrale trop longue au triangle noir formé sous l’un de ses bras, où Barnet Newman voyait un échantillon de peinture abstraite. Il n’y a de ressemblance que dans l’œil de celui qui ne regarde pas. Symboliquement l’odalisque représente la figure féminine peinte, donc le modèle qui, dans un rapport contemporain inversé devient le sujet peignant. Dans l’ambivalence de ce « gouffre », pour reprendre une terminologie butorienne s’inscrit notre monstration commune, éclectique et pourtant reliée par ce fil conducteur. Du sujet peint au sujet peignant…


La présence d’un texte critique déjà publié, avec les ajustements et variations nécessaires, éclaire le travail de chaque artiste :

I) Françoise Deverre

Françoise Deverre poursuit depuis longtemps une recherche sur les polyptyques, des toiles libres en un certain ordre assemblées, qui font cohabiter abstraction et gestuel. De cette rencontre dynamique autour de fragments opposés mais en réalité complémentaires se profile une mise en espace des plus intéressantes. En jouant avec des notions comme les supports, les couleurs et l’assemblage, elle met en place un travail portant sur l’idée même de peinture par rapport à un monde trop compartimenté. Ses œuvres se trouvent principalement au Château dans la salle du taureau, une des petites salles et au rez-de-chaussée de l’Espace Nick.

Au début, Françoise Deverre énonce la règle. Dans un de nos entretiens, elle affirme : « Les polyptyques toujours... ils sont comme un concept de base, pour construire un espace pluriel qui me permet de tenter dans la réalisation même d’être le plus à l’écoute de mon propre fonctionnement cérébral, loin d’une pensée construite mais plutôt, des aléatoires, des fulgurances, du temps en action. Somme toute, une autre totalité fractionnée, toujours en mouvement. »

Ensuite, Françoise Deverre réalise deux nouvelles séries, intitulées respectivement Retables, séparés, non-séparés et Les croix ou la dissymétrie du T, dans une continuité affirmée mais aussi avec un sens certain du dépassement. Affirmation d’un nouveau vocabulaire à l’intérieur de sa grammaire de formes ? Démonstration d’une évolution ? Approche sereine ou tourmentée d’un renouvellement plastique ? Laissons ces questionnements accomplir tranquillement leur chemin visuel et essayons de cerner les résultats de sa démarche.

La série Retables… opte pour un emboîtement de formes qui délaisse la verticalité affirmée des polyptyques. Une horizontalité fonctionnant sur un regard spiralé créant ainsi une dynamique nouvelle pour le regardeur. On retrouve la présence d’un espace entre les diverses parties mais dans une cohésion nouvelle. Les parties s’opposent en se complétant, se complètent en se divisant, affirment toujours la prééminence du fragment par rapport à la totalité. Ils introduisent cette volonté complexe de mettre en œuvre couleurs et tracés jusqu’à obtenir une nouvelle projection de cette abstraction si souvent malmenée et toujours recommencée. Certains d’entre eux possèdent une partie découpée, vers le bas, qui introduit une ouverture physique dans la composition générale. Le déséquilibre engendré par cette « anomalie » dans la structure propose un basculement mental, l’annonce d’une dissymétrie nouvelle.

Les croix…, l’autre série, mixe l’horizontalité avec les deux branches de la croix tandis que les verticalités s’affirment de part et d’autre de cette structure en « T ». On songera à la forme de la lettre grecque « tau ». Mais ses deux branches sont dissymétriques. Elles rassemblent et séparent conjointement. La lecture joue à la fois sur une structure qualifiable de mixte et l’enrichit fortement puisque le balayage visuel opère sur les deux lignes de composition. Pour aboutir également à une composition globale qualifiable de tourbillonnante. L’effet de croisement agit ainsi de façon inopinée et efficace, avec parfois un allongement d’une des parties supérieures, véritable excroissance de la composition, prenant de vitesse les collisions picturales trop sûrement établies. Sur d’autres pièces, un collage, une bande de papier s’invite sur le motif en « T », déstabilisant l’ensemble qui apparaîtrait sinon comme trop monumental. Il introduit un effet surprenant de distorsion, sorte de raboutage physique mais aussi intellectuel.

Avec cette mise en scène d’une structure opérante, Françoise Deverre ouvre un nouveau champ exploratoire. Position héraclitéenne. Apparition de dissonances dans le cadre de polyptyques par trop réglés. Eclatement des structures d’accrochage trop bien normées. Pour les deux séries, concernant les petits formats sur papier, la notion de kit apparaît comme essentielle avec la possibilité de construire une nouvelle œuvre à chaque fois. Les différents fragments, faciles à transporter, faciles à réaliser, faciles à assembler, en apparence, se composent et se décomposent en fonction de leurs liens évidents ou secrets. Possèdent leur vie propre. La notion cardinale d’assemblage apporte là encore une double approche. D’une part, une volonté qui joue avec les croisements et leurs interactions, de l’autre un regard qui place les masses et leur empilement de façon presque instinctive. Des schémas rigoureux rédigés à l’envers donnent la clé de composition de cet univers flottant.

Le vide engendre une respiration. Une possibilité d’approcher l’imperceptible entre deux éléments. Pousser la porte pour aboutir à une béance. No man’s land perceptible pourtant, d’une réconciliation offerte, recréée par le regardeur. Ce qui sépare permet de mieux rejoindre l’autre possible. Cette relecture du retable historique, sans panneaux de bois évidemment, propose un décalage conceptuel des plus intéressants. La possibilité de déconstruire les structures pour arriver à autre chose, d’éminemment contemporain. L’ouverture sur un monde hétérogène et pourtant réconcilié avec lui-même. L’art…


II) Daniela Montecinos

Daniela Montecinos pratique une peinture figurative et narrative. Elle reprend des thématiques génériques comme l’exil ou l’errance et leur donne un éclairage nouveau grâce à des couleurs parfois fanées ou tragiques. Une puissante nostalgie se dégage de ses réalisations qui empruntent l’esprit de certaines peintures de Max Beckmann. L’intertextualité qui sourd de ses toiles (références à la poésie hispanophone) laisse entrevoir un univers onirique où le réel sert de révélateur à la condition humaine. Ses œuvres se trouvent au Château dans la salle voûtée sud, une des petites salles et au rez-de-chaussée de l’Espace Nick.

Fernando Pessoa disait : « Ma patrie est la langue portugaise ». Pour Daniela Montecinos, artiste chilienne, naviguant dans le monde, son langage est la peinture. Mais que peindre face à un sentiment extrême du manque, ce dernier se trouvant être paradoxalement l’un des moteurs de son travail. D’une blessure, l’acte du « faire » s’accomplit au travers d’œuvres. Elles mettent en scène l’errance au travers d’une figuration maîtrisée et cultivée. Des chiens errants accompagnés de textes de poètes comme Javier Bello se disputent avec de grandes toiles aux couleurs passées, fanées devrait-on dire, qui se réfèrent indirectement à l’immense œuvre picturale de Max Beckmann. Le triptyque de « Départ » (1932-33) apporterait alors un certain éclairage sur l’approche picturale de Montecinos. Comme un lointain écho d’une situation, posée à l’aune d’un réel disparu, lieu de tous les leurres et de toutes les illusions.

En revenant sur une autre thématique, celle des couronnes, proches de celles de l’enfance, du tirage des rois lors de la galette de l’Epiphanie, on entre de plain-pied dans un territoire interdit aux autres, celui du souvenir personnel. Et que représentent ces chaussures, celles d’une femme « aux semelles de vent » ou encore une référence aux souliers peints par Van Gogh et dont l’analyse faite par Heidegger et Schapiro a relancé celle de Derrida. Citons le : « Vont-elles rester là, déposées, laissées à l’abandon, délaissées ? » Chaussures d’enfants, d’hommes et de femmes, trilogie qui nous ramènerait une fois encore au triptyque. On pourrait établir sa peinture sous le vocable allemand de « Sehnsucht », qui peut aussi bien se traduire par désir et nostalgie. Ce désir ardent et souvent douloureux que l’on trouverait dans le vocable tchèque « stesk » qui donne son nom à l’exposition.

Que de langues pour parler de peinture. Que de textes qui eux aussi, offrent, à leur tour, une couronne, peinte et /ou feinte au spectateur. D’un art visuel marqué par le sceau brûlant de l’urgence se dresse le tableau d’une mise en scène de l’impalpable. Sentiments mêlés à l’encontre de mondes enfouis, ressurgissant grâce à une figuration savante, Daniela Montecinos brouille les pistes et nous embarque pour des destinations si proches et si lointaines. Humaines, trop humaines.


III) Francesca Caruana

Francesca Caruana a opté pour une installation qualifiable de « corporelle » dans le Lavoir où les os et leurs représentations se répondent sous l’intitulé « Les os dormants ».Corps à corps entre le reflet de soi et la possibilité de s’inscrire dans une nouvelle figure, hors d’échelle. Son travail possède une grande force mise au service de réalisations multiples allant de bâtons totémiques posés contre les murs jusqu’à des peintures puissamment sexuées. Une série de ses œuvres questionne les grands noms de l’art comme Matisse, Ingres ou Manet. Ses toiles se trouvent principalement au Château dans la salle des 4 voûtes, un des murs de la salle voûtée est et au rez-de-chaussée de l’Espace Nick.

L’épissure est chez Francesca Caruana le lieu métaphorique de sa recherche, la potentielle torsade de mondes étrangers pour aboutir à une unité impossible. Celle-ci se retrouve dans ses dessins qui conjuguent des représentations en apparence réalistes mais qui comme chez Daniel Dezeuze, sont des signes porteurs d’un concept ou des illustrations du monde des apparences étayées par la virtuosité du savoir-faire. Dessin et dessein de cordages épissés. Epicés pourrait aussi venir à l’esprit ou à la bouche, adjectif semblable à un raccourci gustatif vers une Méditerranée nourricière, sud osseux se prélassant à l’ombre de poissons en fleurs.

Francesca Caruana pratique un travail polymorphe, glissant des dessins aux peintures en passant par des installations et optant pour une mise en regard de techniques mixtes qui opèrent dans le champ d’une scénographie toujours ouverte. Ses tondos puissants ouvrent l’espace du regard. Les fils représentés se tordent dans l’attente de cette jonction impossible. Leur étirement relève d’une possible extension à l’infini, sorte d’all-over d’une figure matricielle encore à définir. Loin d’un formalisme de circonstance, ce travail s’inscrit dans une durée, un archaïsme certain qui s’enracine dans ses expériences extra-européennes, celles de la Nouvelle-Calédonie et de la culture kanak. On y sent un retour à des origines impalpables, là où tout demeure un éternel recommencement : « L’artiste selon Balzac ou selon Cézanne ne se contente pas d’être un animal cultivé, il assume la culture depuis son début et la fonde à nouveau, il parle comme le premier homme a parlé et peint comme si l’on n’avait jamais peint. » écrivait déjà Merleau-Ponty, pour définir l’acte artistique, en une phrase d’une pénétrante sagacité.

Ses bâtons disposés le long du mur, composés de fragments de homard, constituent un lieu de passage, entre le souvenir d’une puissance autre et la contemporanéité d’une mise en scène. Ligaturés ils forment un ensemble impressionnant, une haie patiemment construite où s’élabore en volume, un dispositif composé de potentialités, d’interrogations et de célébrations. Ils rassemblent par leur altérité même, un monde d’actions et de réactions qui doit faire naître de nouvelles énergies, servir de point de repère à de nouvelles identités. Permettre à chacun de commencer une nouvelle marche au travers des éléments. Dompter les mers déchaînées en construisant des digues mémorielles. Baliser le regard perdu dans une forêt de symboles. Enfin permettre par leur élancement même, d’arriver à mieux saisir les rites de passage entre un archaïsme revisité et une contemporanéité obligatoire.

Francesca Caruana étire ses formes, jusqu’à obtenir d’une abstraction une figuration ou bien est-ce l’inverse ? Elle produit pour le regardeur un renversement déstabilisant. Effilochées, ses déstructurations dessinées et peintes traduisent une action physique condensée. L’artiste évoque ainsi la possibilité d’une intersection ou plutôt d’une « interSEXion » (pour reprendre une élaboration sémantique très en vogue dans les années 1970 et quelque peu tombée en désuétude) dans les limites du dessin, c’est-à-dire en tenant compte d’un espace avant tout mental. La représentation des choses d’un point de vue esthétique n’apparaissant finalement que très secondaire. Glissements progressifs d’une forme vers une non forme, ou d’une non forme vers une forme, n’est-ce pas déjà tenter de trouver le moyen de quitter un espace trop référencé pour glisser lentement vers l’indifférencié. Sexes figurés qui s’allongent dans la tourmente des éléments. Poissons qui lentement dérivent au travers de l’entrelacs des coups de crayon. L’espace du hasard convertit en une terre nourricière balayée par les flots de la mémoire. Tirer sur le fil du dessin pour nouer l’espace d’une imitation toujours fortement élaborée. Mais de quelle imitation parle-t-on puisque ses formes polymorphes semblent toujours pleines de surprises. Déconstruire. Construire…dit-elle, avec toujours la possibilité de ne pas endiguer les flots tumultueux. Bachelard, encore, dans L’eau et les rêves : « Que l’eau de mer soit une eau inhumaine, qu’elle manque au premier devoir de tout élément révéré qui est de servir directement les hommes, c’est là un fait que les mythologues ont trop oublié. » En tout cas pas les artistes.

Ses installations lui permettent d’opter pour une participation active dans le champ de rencontres des mondes mouvants. Bordures. Frontières. Zones de frictions. Mise en scène de passages entre le sec et le mouillé. Le sel, celui de la terre et de la mer. Les restes, os de la terre et arêtes de la mer. Dichotomies. Comme avec l’utilisation de ses tauromachies, entre objets réels et reproductions retravaillées. Techniques mixtes. L’espace de l’arène et celle de la Reine. Ici os et arêtes se superposent à défaut de se mélanger. Mixités difficiles. Et dans le cadre d’une transposition de son travail, reprendre cette citation farouche de Michel Leiris, dans L’Age d’homme : « Ce qui se passe dans le domaine de l’écriture n’est-il pas dénué de valeur si cela reste "esthétique" , anodin, dépourvu de sanction, s’il n’y a rien, dans le fait d’écrire une œuvre, qui soit un équivalent (et ici intervient l’une des images les plus chères à l’auteur) de ce qu’est pour le torero la corne acérée du taureau, qui seule – en raison de la menace matérielle qu’elle recèle – confère une réalité humaine à son art, l’empêche d’être autre chose que grâces vaines de ballerine ? » Alors partir à la pêche aux idées et en revenir avec une besace pleine de fruits de mer et de fruits de terre. Ou à défaut leurs imitations.

Où se situe une démarche conduisant à l’entre-deux du goût ? Saveur propre aux aliments ou aptitude à discerner l’esthétique d’une œuvre d’art. Former le goût. Définir le goût. C’est déjà poser un jugement. Donc établir une critique. Réapparition de Kant: « Le goût est la faculté de juger un objet ou un mode de représentation par l’intermédiaire de la satisfaction ou du déplaisir, … » dans Critique de la faculté de juger. C’est le dévoreur qui fait le tableau. Os contre os. Arêtes contre arêtes. Dans une angulosité poreuse où perce la vie. L’épure annoncée d’une action. Glorieuse, forcément glorieuse.


IV) Marie-Christine Schrijen

Marie Christine Schrijen est photographe et présente pour la première fois sa série des « Têtes rongées » au premier étage de l’espace HD Nick, sous l’intitulé « Portraits de famille ». Ses photographies argentiques, mises sous caisson, interrogent le temps qui passe et la notion de transformation. Au travers de ses réalisations, apparaît une farouche pensée artistique qui ne se laisse distraire par aucune référence archéologique reconnaissable mais affirme une interpicturalité liée au fantastique. Deux photographies de la série « Paysages » se trouvent au Château.

Dans le cadre d’une photographie argentique, en noir et blanc, Marie Christine Schrijen présente une série de 15 œuvres en caisson de bois de couleur noire, dont la thématique générale tourne autour de la notion de « têtes rongées ». Il s’agit pour elle de travailler sur des sculptures d’ornementation en pierre, souvent anonymes, difficilement attribuables ou même reconnaissables, qui acquièrent paradoxalement un caractère dramatique et personnalisé grâce à leur lent processus de dégradation. La volontaire suppression des éléments anecdotiques ou utilitaires ainsi qu’un changement d’échelle altère la perception que nous en avons, et les conduisent ainsi à changer de statut. Elles glissent ostensiblement d’une photographie archéologique à une photographie contemporaine grâce à une interprétation personnelle obtenue grâce à des angles de vue non orthodoxes comme des contre-plongées.

Le thème du fantastique se retrouve également dans ces faces de pierre qui interrogent le passage du temps. Le tirage, longue opération manuelle, accentue certains traits et en fait disparaître d’autres. Il aplatit certains reliefs ou les accuse en une série d’opérations toutes orientées vers la révélation d’un caractère soit comique, soit tragique, en tout cas questionnant. Ce point de vue du photographe puise dans un fonds accumulé au cours des années et qui s’affine grâce à une recherche constante. Jean-Paul Martin, découvrant cette nouvelle série, avait évoqué le travail de gravure (de cartalégraphie pour être exact) de Picasso dans le livre d’artiste Les Transparents de René Char, publié par Pierre André Benoit en 1967. Une similitude semble se dessiner là entre des techniques différentes mais toujours dans cette volonté de s’inscrire pour elle dans une interpicturalité. On pourrait aussi évoquer le travail pictural d’Antonio Saura qui s’immisce aussi dans le champ référentiel de ses réalisations.

Michel Butor, avec qui elle avait réalisé en 2007 L’œil en dérive, dans un passage de L’Emploi du temps (1956) parle de cette thématique des sculptures, du temps qui passe et de l’impression générale que cela suscite pour le regardeur : « Le temps, l'usure, avaient passé sur cette pierre, l'avaient rongée, changée, mais bien autrement qu'ils n'auraient changé et rongé la chair de vingt ans qu'elle m'évoquait, dont j’imaginais les traits peu à peu se durcissant, où j’imaginais peu à peu les rides apparaissant, altérant peu à peu l'expression,la modulant de tonalité en tonalité de plus en plus grave, et soudain, ce regard assez enfoncé, à la fois aimable et secret, ce large front aux tempes doucement marquées, ce nez mince et bien droit aux ailes creusées, ces lèvres fines un peu dissymétriques, ces mains allongées même, capables de si bien s'ouvrir et de se resserrer comme une pince de précision, sur lesquels en quelques instants je faisais passer saisons et saisons,... »

La littérature demeure pour Marie Christine Schrijen, l’autre pôle des réalisations au travers d’une production de livres d’artiste avec un poète ou un écrivain. L’établissement de ces correspondances enrichit le propos commun de chaque créateur et permet de continuer son chemin exploratoire au-delà des évidences trop connotées du genre photographique.


Conclusion

Quatre artistes, dont trois peintres et une photographe. La peinture génère un univers qui ne se trouve pas contredit par l’installation mais au contraire magnifié par elle. Question de définitions, images d’images, mise en abyme…. A vous de jouir de ces travaux.



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NOTES et BIBLIOGRAPHIE:

Descriptif de La Grande Odalisque du Louvre : « Bien qu'oriental par le thème et le décor, ce nu - le plus célèbre d'Ingres - commandé par Caroline Murat, reine de Naples, est héritier d'une longue tradition, qui va des nymphes antiques, des nus de Raphaël ou de Titien à Canova. Cette longue forme souple, sans lumière ni ombre, ne vit que par le rythme de ses contours qui méprisent la vérité anatomique (épine dorsale trop longue, sein déplacé) au profit d'un art abstrait et intemporel ». Site web du Louvre : http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=22520

Christian Skimao, "Décompositions/Recompositions" (sur Françoise Deverre), texte critique éponyme et poème Comme une simple mesure, Marsillargues, Editions de l’exil, 2009. 50 ex. numérotés dont 5 ex. en tirage de tête.

Christian Skimao, « Une nostalgie cultivée » (sur Daniela Montecinos), article sur le site web Le Chat Messager des arts-Archives : http://sites.google.com/site/lechatmessager/Home/daniela-montecinos

Christian Skimao, « Un(e) voile triangulaire » (sur Francesca Caruana) in catalogue Corail, épissure, garum. Collioure, Musée d’art moderne, 2007.

Christian Skimao, « Fantômes de pierre » (sur Marie-Christine Schrijen), texte sur le Blog de l’artiste : http://schrijen.blogspot.com/

mercredi 3 décembre 2008


"La Fleur de Dédale" Oeuvre croisée Butor - Pouperon
Oeuvre de Patrice Pouperon contenant un ouvrage manuscrit et imprimé de Michel Butor La Fleur de Dédale rehaussé de travaux de l’artiste, aux Editions La Garonne, 2006. Dispositif en bois rectangulaire peint (29 x 37 x 47 cm) avec un tiroir contenant une peinture spécifique de l’artiste sur toile et le module d’impression du labyrinthe en bronze. Collection Ville de Chartres, Médiathèque l’Apostrophe.




Un mastaba fleuri d’illusions



Si l’œuvre créée par Patrice Pouperon évoque l’image d’un mastaba, ce dernier prend place chronologiquement parmi les sépultures égyptiennes annonçant les Pyramides. Dimension funéraire apparente mais ce qui nous intéresse ici ne relève pas du funèbre mais du plastique. S’il se trouve fleuri, nous nous retrouvons dans une problématique de tombe chrétienne. Bref dans un impossible historique où cette construction rectangulaire aux murs de briques ou de pierres taillés glisse vers sa dénomination poétique. Avec Michel Butor, s’approcher des Pyramides c’est s’aventurer sur une terre féconde, le lieu des étrangetés créatrices où le singe du dieu Thot veille sur le scribe Nebmertouf qui lui tire son Portrait, quelque part dans une salle du Louvre. Le lecteur-spectateur finira par se perdre dans ce labyrinthe, autre référence récurrente de l’auteur où le Minotaure-Picasso peint des filles et des garçons avant de s’en repaître.Art et sexualité.

Donc déflorer en un glissement sémantique. Mais dans ce dédale, qu’en est-il des fleurs ? Ou plutôt de la Fleur qui y pousse. Dédale, l’entremetteur à quatre pattes, remplit ses fonctions d’architecte du labyrinthe pour cacher le Minotaure tout en donnant à Ariane la solution pour en sortir. Qui la transmet à Thésée. Icare le paye de sa vie en volant trop haut ― si seulement il avait été un milan ― et l’Architecte demeure inconsolable. Sous sa forme de nom commun, le dédale représente des entrelacs de chemins donc un labyrinthe. Chartres et le chemin symbolique vers la Jérusalem céleste. En son centre s’épanouit une Fleur éternelle.

Alors Patrice Pouperon réalisateur d’un mastaba métaphorique en bois ? La réflexion part à la fois sur la conception générale du dispositif qui ressemble également à un meuble par l’adjonction d’un tiroir disposant d’une petite poignée. Un X, constitué d’une plaque de cuivre guilloché pour l’une des branches, l’autre constituée par le titre en plomb du livre de Butor saisi en capitales « LA FLEUR DE DEDALE » qui s’insère ainsi physiquement dans cette sculpture. L’ouvrage, de par sa présence matérielle devient donc un élément incontournable de l’œuvre globale. Le spectateur se trouve en attente, suspendu par son regard. Aura-t-il le droit d’ouvrir ou d’entrouvrir tout ou partie des mécanismes de cette menuiserie artistique ? Le plaisir des yeux se combine avec la frustration devant l’interdiction muséale de toucher. Arithmétique sévère de la monstration.

Le volume rectangulaire est recouvert, sur ses cinq faces visibles, la sixième servant de support, d’écritures manuscrites empruntées au texte butorien (on y distingue d’ailleurs le nom de Thésée), de traits de construction avec la mention des dimensions et surtout de taches colorées peintes de façon rapide et nerveuse. L’ensemble donne l’impression d’un inachevé sériel optant pour un fort appel visuel grâce à cette composition apparaissant comme prestement jetée avec la nervosité des tracés, l’explosion de formes abstraites, ou la stylisation potentielle d’un bouquet coloré. Cette urgence des interactionsentre écritures, mentions techniques, traits hachurés et peintures concourt à une signalétique forte proche en cela des techniques mixtes utilisées régulièrement par l’artiste, comme dans sa série du Mont-Ventoux mais ici, sur et avec, un objet en trois dimensions.

Le tiroir, presque lacanien car secret bien qu’évident, contient une petite peinture de l’artiste suivant les procédés énoncés auparavant. On y distingue cependant une fleur, assez floue, dont la dénomination manuscrite se trouve reprise en capitales (LA FLEUR) et en cursives (La fleur de Dédale). Lettre volée ou Origine du monde. Ecritures artistiques tremblées annonçant la matière même du livre. Posé dessous, inaccessible comme le sarcophage d’un mastaba, la présence du module d’impression du labyrinthe en bronze, réplique exacte avec changement d’échelle de celui de la cathédrale de Chartres. Une présence physique de ce qui se trouvera imprimé dans le livre qui participe du principe du caché-montré et relève aussi de la problématique du reliquaire. Fleuri, forcément fleuri.

Contenant et contenu s’épaulent dans l’ouvrage, partie du tout mais ensemble de papier requérrant le génie créateur de Michel Butor et de Patrice Pouperon en une œuvre croisée désormais qualifiable de classique. Le texte de Butor au titre éponyme, alterne écriture manuscrite et impression optant pour une division en cinq paragraphes, ponctué à chaque fois d’une impression en couleurs du labyrinthe portant en son centre la fleur précitée (dans l’ordre bleu, vert, jaune, rouge, noir) auquel répond à chaque fois un disque énergiquement coloré manuellement (rouge, jaune, bleu, vert, noir). On notera l’indirecte référence rimbaldienne aux Voyelles, sachant que le jaune remplace ici le blanc. Des zones hachurées ponctuent certaines pages tandis que des frises colorées encadrent les pages du livre en des réminiscences d’enluminures.

Michel Butor a apporté sa vision très personnelle du labyrinthe, déclinée depuis des années, en inventant un itinéraire dans un musée imaginaire fabuleux. Se servant de la réalité patrimoniale ― au centre du labyrinthe de Chartres se trouvait une plaque de métal décrivant le combat de Thésée et du Minotaure ― il nous transporte dans une Crète mythologique, elle-même narrée par la Beauce, où les collisions temporelles et poétiques créent un sens nouveau à chaque détour. Chartres rencontrant Bleston en quelque sorte. Matière de rêves, apparitions, modifications… ponctuent son poème où le phrasé permet des allers-retours proches de la structure labyrinthique. Pour le lecteur il ne reste plus qu’à psalmodier ces nouvelles litanies d’accompagnement en parcourant sans cesse son chemin intérieur.


Et le simple acte de glisser le Livre hors de son compartiment permettra à chacune et chacun de renouer avec le fil des Chevaliers du Dédale.




Christian Skimao

Du Côté de la peinture
Film de Guillaume Mazeline
Avec Françoise Deverre
Musique originale de Joël Drouin
Ed. Quatuor et compagnie. Durée 57 mn, 2008.
Prix public : 22,00 €
Contact : Website : http://ducotedelapeinture.com
E-mail: contact@quatuoretcompagnie.com





La règle du je




La sortie d’un film sur un artiste pose toujours un challenge de taille, celui de rendre compte du travail plastique tout en apportant une vision cinématographique personnelle. Pari réussi pour Guillaume Mazeline, cinéaste parisien qui compte plusieurs documentaires à son actif, mettant en scène l’Histoire (celle des livres) et les histoires (celle des gens), qui réalise ici une œuvre consacrée au travail pictural de Françoise Deverre, sous le titre Du côté de la Peinture. Celle-ci décline depuis près de vingt ans la notion de polyptyque au travers de toiles libres qui sollicitent le regard, entre association ou confrontation. Ces rencontres croisées de turbulences graphiques et de plages colorées abstraites créent ainsi un nouvel espace, le sien. La problématique du polyptyque repose à la fois sur la juxtaposition mais aussi le léger espace existant entre deux lés de peinture. Cette distance, absolue, et somme toute infranchissable, servirait ici de métaphore pour définir la relation existant entre le résultat filmé et son sujet, la peinture.

Un questionnement apparaît de suite en ce qui concerne la notion de vraisemblance dans cette réalisation : en effet sommes nous en présence d’un documentaire sur une approche artistique ou d’une scénarisation de l’acte même du faire ? Françoise Deverre se trouve-t-elle être l’artiste qui réalise une toile ou bien mime-t-elle les gestes essentiels qui permettront au spectateur de mieux comprendre le processus complexe de la création ? La possibilité donnée de saisir l’impalpable moment où la matière se trouve, non pas domptée mais magnifiée, ouvre sur de nouvelles perceptions. Ne faut-il pas alors pour le cinéaste « trahir » son sujet afin de faire passer la part « magique » de l’acte créateur ? Car l’artiste en train de peindre sait qu’elle acte devant un autre œil. On quitte donc le domaine de l’intime pour passer en apparence dans celui du spectacle. L’intime se dévoile devant l’Autre. Et quelle position que celle du spectateur, troisième protagoniste et véritable voyeur de cette mise en scène qui essaye de démêler le faux du vrai, le paraître du vécu, à la fois fasciné et questionnant par rapport à cette succession de plans qui prouve que réalité et fiction se diluent en une troisième voie. Où donc se trouve la vérité en art ? On pourrait y répondre en citant Hegel : « L’art est ce qui révèle à la conscience la vérité sous forme sensible. »

Les images qui bougent ont pour but de fixer une succession d’instants donnés, leur montage crée un effet narratif, l’ensemble aboutissant à une œuvre nouvelle signée Guillaume Mazeline. Il lui faut donc dépasser les clivages de genre inhérents au medium cinéma (documentaire, fiction, etc.) pour aboutir à une proposition tenant compte d’une immédiate reconnaissance pour plonger dans des territoires plus mouvants où les images mobiles et immobiles, ne se trouvent plus en opposition mais entretiennent une connivence à l’intérieur de leur séparation même. Le scénario prend donc une place essentielle, certes invisible, traçant des parcours constitutifs en passe de s’accomplir. La trame sous-jacente du récit s’organise dans une minutieuse disposition des paragraphes visuels. Pour quel but ? Retrouver une équivalence juste, entre la narration du parcours plastique et sa transcription cinématographique, au travers d’une « écriture », afin d’établir une correspondance toute baudelairienne entre deux types de productions visuelles.



Christian Skimao

Les vitraux de Pierre Soulages
Abbaye Sainte-Foy de Conques
(Aveyron - France)


Une lumière mise à nue par sa matière même




Des descriptifs historiques

La basilique romane Sainte Foy de Conques, bâtie au 11ème siècle et sise sur le chemin du pèlerinage de saint Jacques de Compostelle, se trouve choisie par Pierre Soulages comme lieu d'intervention artistique sur les vitraux, après bien des propositions faites à l'artiste par la Délégation aux Arts plastiques et la Direction du Patrimoine.
En février 1987 Dominique Bozo réactive ce projet qui se trouvait en sommeil et en août de la même année est établi un cahier des charges pour le site de Conques en Aveyron.
L'intervention porte sur un ensemble de 95 verrières et 9 meurtrières visibles de l'intérieur comme de l'extérieur; elle prend place dans le cadre de la commande publique voulue par l'Etat français afin de redonner une nouvelle vie aux monuments anciens.
Pierre Soulages décide de d'utiliser un verre translucide mais non transparent, à transmission diffuse de la lumière, en quelque sorte proche de l’albâtre ; ce verre n'existant pas en tant que tel, il décide de faire des recherches pour aboutir à sa fabrication.
La mise au point du projet dure de janvier 1986 à juin 1992 tandis que la réalisation et l'installation se déroule de juin 1992 à juin 1994 ; il se compose d'une surface à réaliser de 250 m2 soit 13200 kilogrammes de verre et 4000 kilos de plomb, ce qui donne une idée de l'ampleur de la tâche accomplie.

Des dispositifs de recherche

Ce verre si particulier nécessite de nombreux tâtonnements et sa recherche s'inscrit dans la démarche globale voulue par Soulages ; plutôt que d'opter pour un travail à réaliser à partir de cartons préparatoires, il décide de trouver en premier lieu, le matériau susceptible de s'adapter puis de réaliser les maquettes nécessaires au montage final.
En janvier 1988 se déroulent les premiers essais au Centre International de Recherches sur le Verre (C.I.R.V.A.) à Marseille ; des contacts se trouvent pris avec la société Saint-Gobain et en juillet débute la collaboration avec Jean-Dominique Fleury, maître-verrier à Toulouse mais possédant une solide formation de peintre.
Ce nouveau couple artistique dont l'importance n'échappe à personne, oblige à une constante réciprocité de la part des intervenants lors de la conception des vitraux ; la dualité engendrée entre "savoir" et "faire" doit se fondre en un résultat commun. Alchimie.
De nombreux essais de fabrication ont encore lieu et en décembre 1991 Soulages et Fleury se rendent en Allemagne à Rheine auprès de l'entreprise Glaskunst Klinge qui se chargera finalement de la fabrication de cette matière quasi-magique : le verre pour Conques d'après Soulages.

Des projets personnels

On connaît la passion éprouvée par l'artiste pour les problèmes techniques et leur résolution; confronté à cette quête concernant la matière même de sa pratique, il s'y consacre à plein temps, délaissant à cette occasion sa pratique picturale.
Ainsi Soulages n'a pas simplement transposé sa peinture dans les ouvertures mais retrouvé le concept même de lumière, ici appliqué à un lieu fermé et voulu comme tel par ses bâtisseurs.
Cette transmission de la lumière naturelle doit tenir compte de l'architecture existante mais aussi des contraintes liées à l'utilisation des plombs ; en effet les lames de verre doivent filtrer la clarté en optant pour des horizontales et parfois des obliques, droites ou courbes.
Dès lors la lumière épouse des contours mouvants et va créer paradoxalement un espace mobile de diffusion ; en fonction des diverses heures du jour, les teintes même de cette lumière "blanche" varient et se chargent de couleurs parfois chaudes et parfois froides.
La découverte d'un verre susceptible de respecter l'identité de l'église et de se fondre avec les murs constitue un autre pari ; le respect du "génie du lieu" et sa mise en lumière contemporaine passe par une réflexion sur la perception romane actuelle.
Ainsi une nouvelle polychromie n'aurait pas eu sa place dans le cadre de cette restauration ; il fallait opérer un déplacement dans l'immatériel pour retrouver la beauté même des formes architecturales primitives.

De la perception

On constate une double approche pour le spectateur, selon qu'il observe les vitraux à l'intérieur ou à l'extérieur ; en effet ceux-ci doivent répondre à une esthétique générale externe quant à leur environnement et jouer de façon interne leur rôle immatériel.
Ainsi le mouvement opéré entre les deux compose une dynamique ; les effets optiques couvrent l'ensemble de l'architecture, la rendant plus présente encore tout en l'enveloppant d'une clarté diffuse et propice à la méditation.
La difficulté rencontrée dans un lieu voué au sacré peut engendrer bien des hésitations et des réserves ; il s'agit de respecter une certaine transcendance tout en conservant l'acquis du contemporain.
Pierre Soulages, de par sa pratique picturale axée sur les effets de lumière au travers de la couleur noire, pouvait ici, mieux que quiconque, relever le défi ; sa maîtrise intérieure, proche de la pensée extrême orientale pouvait dès lors s'intégrer en ce lieu occidental.
Cette mouvance existentielle et ce dépassement référentiel servent de cadre à l'échappée artistique ; l’émotion y retrouve ses droits face à un concept qui s’estompe, tant sa réalisation se trouve maîtrisée.
Certains esprits chagrins nous assènent souvent que l'art contemporain manque de souffle par rapport à celui d’autrefois ; ici les vitraux de Pierre Soulages déplacent les objections et redonnent un nouveau souffle à Conques.
Le vent de l'esprit...

De la documentation

  Un livre paru aux Editions du Seuil et intitulé Conques Les vitraux de Pierre Soulages permet de faire le point ; il comprend une préface de Georges Duby, un texte de Christian Heck, des notes de travail de Pierre Soulages et un entretien avec Jean-Dominique Fleury. Avec un reportage photographique de Vincent Cunillère.


Christian Skimao